Je compte. En mouvement. Dans l’espace
quadrillé. Sous surveillance. Je lève la tête. Ciel délavé, tours de verres,
insectes bioniques collés aux lampadaires. Je ne sais pas où je vais. Tour
d’horizon. Je compte. L’ensemble Total-Monde. Le concept. La touche
révolutionnaire. Authentique.
Les stries profondes. Les artères
ultra-sombres. Longs couloirs désaffectés. Dans tous les sens. Arrachés. Des
grattements. Fils électriques. Des bruits. Des échos, échos. Suintent. Glissent.
Un goût de métal dans la bouche. Craquent. Les rails rouillés filent droit
devant. Du sang. La poussière. La suie.
Injonction. Prendre les escalators.
J’obéis. Qui parle ?
Sur le mur,
tu sens des fissures humides s'ouvrir sous tes doigts, les méandres creusés
d'une histoire qui se dérobe en permanence. Qui s'efface. Se reprend. Se
répercute. Se reconfigure. Je marche.
Ici. Dans ma tête. Je compte. Personne
côté face. Bip. 30 secondes pile. Tapis roulant. Le tunnel aérien menant de
l’autre côté. Coup d’œil sur la ville logo, intense luminosité ondulatoire.
Spot, chiffres. Tout est compté, minuté, à la virgule près, redescendre, comme
je suis monté, sans savoir où aller.
Rien n'est fixe. J'avance. Tout
bouge dans les tréfonds. Les sédiments troubles au fond de l'eau. La vase. La
vase où tu t'enfonces sans rien faire. Sans rien pouvoir faire. Alors je
marche. J'erre à la sous face de la Terre, dans l'air vicié des souterrains, là
où il n'existe plus de limites entre le jour et la nuit, là où les autres sont
des ombres dans le noir, des frottements, des craquements, là où l'herbe ne
pousse plus que sur l'acier rouillé. Les ruines perpétuellement
reconfigurées.
Injonction, tourner là, puis là,
stop : Ici vous pouvez souffler.
Des panneaux avec des mots sans
significations indiquent des directions fantômes. Univers parallèles. Grince.
Les reliefs se modifient sans cesse dans l'ombre profonde qui baigne les leds
rouge. Vert. Issue de secours. Le tunnel palpite infra-basse, espace sans
surveillance. Zone de non-droit sous terre. Au moins pour l'instant.
Bouffé d’adrénaline, je compte, minuterie dans
ma tête. 72 / 73 / 74 / Bip. Tintinnabulement. Une voix. Non identifiée.
Vous êtes dans un espace neutre.
Rien ne peut vous arriver.
Une voix qui tente de s’extraire, un
appel lointain, une voix qui me dit :
Tu
es assis. Confortablement. Ceintures attachées.
Un
autre en face de toi. Griot-sniper dans le labyrinthe mégalocity. L’œil index
pointée sur ce message d’avertissement :
Ici : la fiction sous le sceau d’un faux
code-barres.
Là : l’autre en mouvement collé dans la ville la
nuit tombée.
Maintenant : la réalité, le sosie d’un autre qui a fait
son temps.
Sommes-nous
dans un jeu ?
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